La Carros de Foc, boucle enchanteresse dans les Encantats, réalisée à la journée avec des images et souvenirs inoubliables à la clé.
Date : 01/09/2018
Distance totale Distance et dénivelé indicatifs. Privilégier ces valeurs plutôt que celles indiquées le profil. : 66 km
Dénivelé positif : 4100 m
Temps de parcours Pauses classiques incluses (photo, discussion, collation, manips à ski...) au contraire des longues interruptions (sommet, refuge, sieste...) : 19h
Conditions et commentaires : beau.
Difficultés : pentes raides autour du col de Contraix.
Accès : parking de Sant Maurici (chemin ou taxis pour l’estany de Sant Maurici ou le refuge d’Amitges)
Itinéraire Profil visible en cliquant en bas à gauche de la carte. Privilégier les valeurs ci-dessus plutôt que celles indiquées sur le profil. : GPX
Collado de Monestero (2710 m), 21h30. Seuls nos pas viennent troubler le lourd silence qui s’est emparé des lieux. La montagne s’endort et le soleil a disparu de l’horizon où une faible lueur subsiste derrière les innombrables crêtes et pointes granitiques du massif. Quatre petites lumières se lancent dans l’obscurité de cet immense vallon lacustre pour une ultime descente. Le voyage se termine après un long périple débuté quelques heures plus tôt …
Notre petit hôtel (Casa Rural Felip, à recommander) est situé au coeur du village d’Espot qui semble charmant et bien entretenu. Levés à 3h, nous nous préparons tranquillement et prenons la direction du parking de Sant Maurici. L’itinéraire jusqu’au lac est une balade familiale : en parallèle de la piste interdite à la circulation, le chemin est parfaitement aménagé. Nous devinons dans l’obscurité la silhouette caractéristique du Grand et du Petit Encantats. La légende raconte que ce sont deux individus, partis chasser au lieu d’aller à une messe dédiée à Saint-Maurice, pétrifiés par une malédiction divine.
L’itinéraire du refuge d’Amitges (1/9) est bien indiqué. Dans la nuit noire et avec le programme prévu, c’est plaisant de ne pas avoir à hésiter sur la direction à suivre. Toujours bien aménagé, il rejoint ensuite une large piste que nous suivons jusqu’au refuge. Au loin dans les fourrés, nos lampes éclairent deux billes vertes : ce sont les yeux d’un isard probablement peu habitué à voir du monde si tôt. Nous disons au revoir aux larges chemins et pistes roulantes puis quittons le refuge pour monter en direction du port de Ratera (2590 m). Le jour est en train de se lever, permettant de garder le moral au top et remettre d’aplomb Mathieu qui était dans le dur en tout début de journée. La descente jusqu’au refuge de Saboredo (2/9) est agréable et serpente entre de magnifiques lacs dans lesquels se reflètent certaines cimes qui commencent à s’embraser. Nous avons déjà passé une dizaine d’étangs alors que nous marchons depuis 3h à peine. Nous laissons le refuge se réveiller tranquillement, prochain objectif : le refuge de Colomers.
Dans la montée au coth deth Tuc Gran de Sendrosa (2451 m), le Maubermé et le Barlonguère sont bien visibles. Les ariégeois ont ce besoin irrépressible d’avoir des repères familiers qui leur montrent le nord ! Au col, le refuge de Colomers apparaît au loin. Après une bonne descente, le chemin oscille dans une succession de dépressions et de jasses jusqu’au barrage de Colomers où nous croisons les premières personnes de la journée. Le refuge éponyme (3/9) se reflète dans les eaux calmes de l’étang au-dessus desquelles virevolte une brume légère. La mer de nuages monte et nous nous abritons pour prendre une première pause autour d’un café heureusement plus chaleureux que l’accueil proposé. En repartant, nous mettons au moins 15 minutes à émerger des nuages qui ont enveloppé le refuge. Au port de Caldès (2599 m), la vue s’ouvre magnifiquement vers l’ouest, du Montardo jusqu’aux Besiberri avec une myriade d’étangs au premier plan.
La portion entre le port de Caldès et le refuge Ventosa i Calvell est une merveille. Au col d’Oelhacrestada, nous renonçons à passer au refuge de la Restanca (4/9) et évitons ainsi un aller-retour de 450 mètres de dénivelé. Le refuge Ventosa i Calvell (5/9) s’atteint ensuite en 45 minutes qui seront suffisantes pour passer à côté de 6 étangs ! Mention spéciale à l’estany de Travessani, le plus vaste d’entre eux, avec au fond la crête charismatique des Besiberri et les sommets découpés du Pa de Sucre et la Punta d’Harlé qui ne disposent d’aucun accès facile. Suffisant pour y prévoir une visite… Nous faisons le plein d’eau au refuge et tournons le dos à ce cadre extraordinaire pour entrer dans le vallon rectiligne de Contraix et entamer la partie difficile de la boucle. Un panneau indique : « Refuge de l’Estany Long – 5h30 ». Ouch …
Le terrain devient bien plus rude et exigeant avec de fréquents chaos de blocs. Même si quelques cairns montrent la voie, la progression y est plus lente et énergivore. Au fond du vallon, le collado de Contraix nous nargue et semble ne jamais se rapprocher. Ce dernier est défendu par une raide pente de pierrailles décomposées. Un dernier effort et nous atteignons enfin la brèche (2745 m) où vous ne devinerez jamais ce qui se dévoile au premier plan. Un lac ? Bingo ! Au sud-est, le collado de Dellui paraît si loin qu’il ne vaut mieux pas le regarder. Une pause repas est prévue au prochain refuge, 900 mètres plus bas … Durant cette descente longue et cassante, nous rencontrons une sympathique espagnole qui avait fait également le circuit à la journée il y a quelques années. Son conseil : « Be motivated and keep moving ! ». C’est entendu, mais d’abord engloutissons plutôt un sandwich au refuge de l’Estany Long (6/9). Julien se fait surprendre avec le menu en 2 temps : d’abord une assiette de pâtes puis une grosse assiette de ragoût insidieusement déposée sur le bord du comptoir quelques minutes après.
C’est le ventre plein (à ras bord pour certains …) que nous reprenons les hostilités. Un panneau indique : « Refuge de Colomina – 5h ». Ouch bis … Pour débuter, une montée de 600 mètres au programme : moins raide que la précédente et en meilleur terrain, mais bien plus longue. Une vipère croisée sur le chemin aura eu l’effet de faire passer la moindre racine pour un serpent. Le chemin est un régal : les lacets sont efficaces et c’est reposant de ne pas avoir à réfléchir entre quels blocs se faufiler. Après avoir contourné un éperon, le vallon de Delliu se dévoile dans sa totalité. Nous doublons l’espagnole, cette fois-ci nous ne la reverrons pas. Le versant opposé est étendu et d’une tranquillité absolue. Il faut dire que nous sommes en fin d’après-midi et que la plupart des marcheurs ont atteint leur but. Nous longeons plusieurs vastes étangs battus par les vents et le bruit nous donne presque l’impression d’être au bord de la mer. Au bout de l’estany Tort, le chemin emprunte temporairement une ancienne voie ferrée (utile pour la construction des nombreux barrages et digues du secteur ?) avant de changer de direction et de remonter vers le prochain refuge.
Le refuge de Colomina (7/9) est parfaitement situé et nous profitons d’une courte pause. C’est un sentiment particulier de devoir replonger à nouveau dans cet océan minéral alors que la lumière commence à décliner et que les pensionnaires du refuge passent à table. L’ombre a grignoté beaucoup de versants mais pas notre bonne humeur sur ces sentiers « ludiques » comme le signale Mathieu. Un isard nous accueille au collado de Saburo (2668 m) comme pour nous souhaiter un bon retour. De l’autre côté, les eaux des étangs se sont assagis et reflètent les paysages comme de parfaits miroirs. Juste avant l’estany de la Llastra, un panneau indique le refuge Josep Maria Blanc (8/9 m) à 50 minutes, sans compter le retour pour revenir au même point. Il est tout proche à vol d’oiseau mais le chemin louvoie entre les nombreux lacs. Tant pis, nous y retournerons et préférons couper pour continuer notre route en direction du collado de Monestero (2710 m). Dernière montée, dernier col, dernier isard. La descente se fait à la frontale que nous éteignons de temps à autre pour admirer le ciel étoilé. Le début est particulièrement croulant et la suite n’est pas de tout repos non plus ! Finalement, c’est peut-être préférable que la nuit nous masque ces difficultés.
Nous passons devant le refuge Ernest Mallafré (9/9) et terminons la descente en courant. Ce seront nos seules foulées. Les descentes étant cassantes, nous avons préféré les faire en marche rapide pour nous permettre de tenir la longueur. Nous retrouvons le parking dans la nuit noire comme nous l’avions quitté plus tôt ce matin, mais avec la sensation d’avoir vécu une journée fabuleuse, sans accroc et dans la solidarité. Les « chariots de feu » (carros de foc ndlr.) étaient avec nous et nous auront porté de fort belle manière.
Epilogue
Julien, Jean-Paul et Mathieu, un IMMENSE merci. Sans vous la journée n’aurait pas été la même et pas seulement parce que vous êtes ariégeois. Le lendemain, j’étais déjà en train d’étudier d’autres projets de ce genre et j’espère que vous pourrez être de la partie.
En plus d’être splendide, l’itinéraire est idéal pour un défi en OFF. Les nombreux refuges permettent de se ravitailler en eau et en nourriture à sa guise. Il existe aussi quelques échappatoires et raccourcis pour adapter la longueur en cas de besoin. Il y a un peu de monde autour des refuges mais beaucoup moins sur l’itinéraire car tout ce petit monde s’éparpille rapidement. La distance (55 km) indiquée sur le site de la Carros de Foc semble fantaisiste ou alors le gars a coupé tous les lacets et traversé les étangs à la nage ! D’ailleurs, toutes les traces disponibles sur le web évoquent une distance entre 64 et 70 km.
La difficulté de ce type de journée consiste à trouver un rythme permettant d’avancer efficacement tout en profitant des paysages et des refuges. Je pense que nous avons su le trouver car nous avions une vision claire de l’itinéraire et de son profil. Une des satisfactions partagées avec Julien est d’avoir tenu la distance car nous n’avions jamais fait si long en montagne.