Au-dessus des bouleaux parés d’or de la vallée de Campcardós, belle journée automnale sur la crête découpée (AD) entre le pic de Peiraforca et le roc Colom aux confins de la vallée de Campcardós.
Date : 2024/10/13
Distance totale Distance et dénivelé indicatifs. Privilégier ces valeurs plutôt que celles indiquées le profil. : 18 km
Dénivelé positif : 1400 m
Temps de montée Pauses classiques incluses (photo, discussion, collation, manips à ski...) au contraire des longues interruptions (sommet, refuge, sieste...) : 6h45
Temps de descente : 2h30
Conditions et commentaires : beau.
Difficultés : arête découpée, nombreux rappels dont certains aériens, un passage en IV et plusieurs passages en III/III+. Arête peu soutenue néanmoins avec de nombreux échappatoires versant S.
Accès : Porta
Itinéraire Profil visible en cliquant en bas à gauche de la carte. Privilégier les valeurs ci-dessus plutôt que celles indiquées sur le profil. : GPX
Voilà un peu de temps que je pensais à cette crête entre ces deux sommets élancés peu fréquentés à l’ombre du puig de Campcardós. En plus des quelques comptes-rendus espagnols et catalans, tous assez anciens, le topo le plus précis est celui de Pako Crestas, disponible ici, auquel je vais apporter quelques précisions dans la suite du compte-rendu. D’après nous, la crête ne vaut pas la cotation D- proposée dans le lien de Pako Crestas, mais plutôt AD, tout au plus : pas mal d’achappatoires, finalement peu aérienne et seulement un court passage en IV. En revanche, il y a beaucoup de rappels, dont certains sont assez aériens pour rejoindre de profondes brèches. Durant la descente, le versant N de la crête est impressionnant et très sévère. Or, son versant S est moins abrupt et plus herbeux.
Au petit matin, nous éteignons la frontale à la sortie de la forêt et découvrons avec émerveillement les teintes d’or qui parsèment la vallée. Ici, les couleurs d’automne sont à leur paroxysme. Nous traversons le torrent au plus proche de la cabane. Selon le niveau de l’eau, trouver un passage peut demander de chercher un peu. Nous rejoignons une combe que nous avons repérée où les rhododendrons semblent clairsemés. En effet, nous remontons facilement cette première pente (quelques cairns) puis empruntons un court chaos. Après une partie végétative plus confuse et humide, nous remontons un pierrier (cairns également) sous lequel coule le torrent. Pablo trouve un étonnant scalpe de 20 x 20 cm environ, avec uniquement la peau et les poils, appartenant sans aucun doute à un animal.
De ce promontoire, la vallée est inondée de lumière et les arbres brillent de mille feux. Le couloir herbeux du pic de Peiraforca apparaît sans ambiguïté juste à droite du sommet. Après un slalom sur le vaste plateau entre pins et gros blocs, nous remontons le couloir, plus raide à la fin, jusqu’à la brèche où le sommet s’atteint facilement. La crête apparaît avec le sommet pointu du roc Colom au fond. Il ne paraît pas si éloigné mais cette perspective masque les nombreux obstacles à franchir. En voici une description sommaire où je ne cite pas chacun des nombreux échappatoires du versant S. Une corde de 50 m est suffisante.
Depuis le sommet, passer l’antécime et descendre dans la profonde brèche (II). Depuis le seuil, franchir directement le court mur (III/III+) jusqu’au sommet de l’aiguille. Pour descendre à la brèche suivante, le rappel est facultatif car la désescalade est plutôt facile (II) sur la gauche avec un passage exposé. L’aiguille suivante est orangée et très esthétique. Son ascension (IV puis rappel de l’autre côté) est facultative. Elle s’évite dans le versant sud par une traversée assez exposée qui demande d’enjamber (III) la profonde entaille du couloir. L’aiguille suivante s’escalade facilement par des rochers fracturés (II) jusqu’au plateau sommital où il serait possible de bivouaquer. À l’ombre du versant nord, le vent frais est revigorant. Après une courte portion horizontale se terminant par une taillante, nous arrivons sur les deux premiers rappels (2 x 20 m) de la longue série du jour. Le premier met directement dans le bain avec un départ malcommode et un surplomb en plein vent puis le second dépose dans le couloir du versant N au pied du gendarme du Géant (gendarme del Gegant en catalan).
Le gendarme du Géant peut s’éviter par une vire sur le versant N au bout de laquelle un cairn est visible, mais ce serait dommage de s’en priver. La montée est donnée en IV mais cela ne concerne que deux pas isolés : d’abord dans le petit dièdre au départ avant un friend coincé puis pour franchir le mur fracturé sur la gauche après lequel les difficultés cessent. Pour en descendre, il y a deux rappels (20 et 25 m) : le relais du deuxième rappel (deux pitons) n’est pas visible dans un renfoncement mais il faut suivre suivre la ligne logique pour le trouver.
Après une remontée facile, le fil de la crête présente une courte section horizontale un peu plus découpée jusqu’aux rappels suivants : le premier relais est caché sur la droite. Le rappel passe dans un dièdre évident jusqu’au second relais (bloc coincé) puis le second permet de rejoindre la profonde brèche. Le fil de la crête est ensuite vertcial et difficile et il faut passer par une cheminée en mixte ariégeois (III) sur la gauche. Contrairement aux apparences trompeuses du versant N, les difficultés sont terminées jusqu’au pied du roc Colom car le versant S est plus doux.
Le vent est assez fort pour la montée au Roc Colom : il faut suivre le fil de l’éperon pour une belle envolée assez aérienne (II/III) en bon rocher, peut-être le meilleur passage de la journée. Nous aurions aimé qu’il dure davantage. Si certains topos décrivent l’arête S du Roc Colom avec 3 longueurs, dont 2 de 30 mètres, nous sommes descendus sans problème avec une corde de 50 m. Tous les relais sont équipés au moins d’un spit et d’un becquet ou piton. Sinon, la désescalade semble éventuellement abordable par l’arête S, moins aérienne que notre itinéraire de montée, avec plusieurs cheminements possibles.
Au col, nous prenons une pause à l’abri du vent avant la longue descente. La sente est bien visible au fond du vallon : elle s’atteint par une pente raide d’éboulis et de gispet jauni et glissant. Pour retrouver le GR tranfrontalier, le sentier est agréable : jamais raide, il serpente entre rhododendrons, pins et bouleaux aux feuilles jaunes. D’ici, la première moitié de la crête parcourue est impressionnante avec ses gendarmes et ses profondes brèches. Difficile de croire que nous sommes passés par là. De retour à la cabane, nous croisons quelques groupes sur la piste empruntée à la montée.